La vie suit des cycles, des saisons, elle n’est jamais figée et reste dans le mouvement. Elle se nourrit de la multiplication des échanges et de leur diversité dans un souci d’équilibre et d’harmonie.
Ces derniers temps, la nature joue une étrange partition depuis plusieurs jours dans le Boischaut Sud à La Châtre en Berry. Cet opéra que je qualifierais de wagnérien se compose de ruissèlement intense, de coups de tonnerre, de bruit du vent et de déchirements d’éclairs.
En ce matin du vendredi 21 juin 2024, je me réveille avec le bruit de la pluie lorsqu’en ouvrant les volets je constate avec effroi et tristesse que le cerisier au fond du jardin, jouxtant notre espace de thérapies, présent depuis des décennies s’est en partie effondré. Je sors, observe, le contourne pour m’apercevoir que c’est en fait sa branche basse, épaisse comme un tronc et qui jadis se dressait vers le ciel en forme de L qui s’est déchirée en son cœur pour plier comme le ferait un bras perdant au « bras de fer ».
Signification des Sakura, l’emblème du Japon ?
Au-delà de sa beauté esthétique, le cerisier du Japon a également une signification symbolique dans la culture japonaise. Il représente la philosophie japonaise de la vie, basée sur l'idée de l'impermanence et de la contemplation de la beauté éphémère.
Les Sakura ou fleurs de cerisier, sont traditionnellement associées aux festivités du Hanami, littéralement « contemplation des fleurs ». Si aujourd’hui cette tradition consiste à venir admirer les fleurs en famille ou entre amis, à l’époque dite Heian (de 794 à 1185), la contemplation des cerisiers était plutôt considérée comme une activité philosophique.
« Héritée de la philosophie du Monono Aware (dit "le pathos des choses"), hanami prône en effet la beauté des choses éphémères. Un instant convivial avec son voisin de table, un rire d’enfant sous les arbres en fleur, ou des pétales qui s’envolent au grès du vent, la contemplation des sakura est un événement qui se chérit dans l’instant. C’est un moment chaleureux qui n’a lieu qu’une seule fois dans l’année, et dont il faut savourer chaque instant avant que celui-ci ne disparaisse. A l’image des fleurs de cerisier elles-mêmes, qui naissent et meurent en un battement de cils. »
(Source : www.japan-experience.com)
La résilience du cerisier
Le déclin de notre cerisier, m’inspire plusieurs réflexions au-delà de la tristesse de le voir choir et d’être contraint de m’en séparer pour des raisons de sécurité de notre espace de thérapies et de notre espace de vie, son avenir étant fortement compromis.
Ma première réflexion est de penser à la résilience. Et en premier lieu, la résilience de ce cerisier, qui a été frappé par la foudre par le passé, qui a probablement été taillé de façon curieuse pour que de telles branches prennent leur essor et donnent à son houpier la forme d’un cèdre du Liban.
Selon le professionnel venu l’ausculter à son chevet aujourd’hui : entre cette branche et son tronc se sont opposées des forces contraires dans la croissance du bois, ce conflit intérieur l’a fragilisé. Avec le temps, la structure du bois s’est dégradée en interne, se creusant, pourrissant, tandis que la branche continuait de tenir, de maintenir sa course dans la verticalité vers la lumière.
Le parallèle est évident avec les tensions corporelles dont me parle mes jusha (nom que l'on donne aux receveurs d’une séance de Shiatsu en japonais). Il s’agit parfois de douleurs, de tensions anciennes, sans explications médicales, chroniques, qu’avec le temps certains n’écoutent plus ou taisent. Et pourtant ses tensions intérieures, reflet d’un conflit du passé, ou peut-être d’une croyance familiale soufflée durant l’enfance par les parents du genre « la vie est dure, il faut tenir bon », vont nous alimenter dans le besoin de maintenir inconsciemment nos tensions, parce qu’il faut tenir et que c’est ce que l’on nous a enseigné, jusqu’à ce qu'elle craque, qu'elle se transforme en un mal plus grand pour enfin être entendue.
En France, le concept de résilience a été introduit par Boris Cyrulnik, neuropsychiatre et écrivain. Ce concept ou « l’art de naviguer entre les torrents » est la capacité pour un individu à faire face à une situation difficile ou génératrice de stress. Cette faculté trouve ses racines dans l’enfance et dans la relation que les parents entretiennent avec leur enfant (source : www.psychologies.com).
La sagesse de ce cerisier, dont la plaie semble vouloir nous parler, nous enseigne l’importance d’écouter nos maux et d’y mettre des mots pour ne pas laisser nos conflits intérieurs pourrir sous l’écorce que nous avons fabriquée autour de nous.
Le cerisier et son environnement
Avec elle, la branche a entraîné dans sa chute, le nid en formation d’un couple de tourterelles qui ont passé la journée à le chercher. Pour tenter de les reloger, j’ai coupé un morceau de la branche sur lequel il reposait pour l’attacher au sommet d’une autre branche, espérant ainsi leur accorder le répit nécessaire à la couvaison avant que l’arbre ne soit définitivement abattu.
Dans le même temps, la branche s’est effondrée sur mon carré potager qui était destiné cette année à voir fleurir beaucoup de fleurs. J’ai pu observer que le cerisier a pris soin de ne pas trop abîmer les plantations. Ainsi beaucoup d’entre elles sont restées debout, entourée des branches de cerisier ouvertes comme un parapluie.
Un tournesol m’a rappelé mes années de karaté où nous pratiquions lors de stages qualifiés de spéciaux en raison de leur durée et de leur intensité, un exercice créé par Maître Ohshima : Ten no mon qui signifie "les portes du paradis". Cet exercice consistait à faire face à un adversaire qui nous attaquait droit au visage, à entrer, à aller vers lui au moment de l’attaque, sans dévier, à frôler l’attaque sans jamais la subir pour le contrer, et ainsi passer de l’enfer au paradis. Un bel exercice où notre adversaire était en nous même, comme pour ce cerisier.
Et la Médecine Chinoise dans tout ça ?
L’élément Bois peut prendre plusieurs formes, mais pour résister au vent qui est le climat qui le lèse lorsqu’il est en excès, favorisant par exemple l’agacement, une manifestation de la colère, comme certaines personnes subissent dans le Sud lorsque le Mistral souffle, il vaut mieux avoir la souplesse du roseau que la rigidité du chêne. Cet élément est associé aux méridiens du Foie et de la Vésicule Biliaire, qui gouvernent entre autres nos tendons et à travers eux notre souplesse physique mais également psychologique qui nous permet de faire face à de nombreuses situations pour prendre les bonnes décisions et nous y tenir.
L’élément Eau, qui associé au vent, a probablement contribué à faire plier notre cerisier aujourd’hui. L’Eau est associée aux méridiens du Rein et de la Vessie, le premier relevant de notre force motrice, le second ayant pour fonction principale la purification. A travers la purification de la Vessie, on peut entendre également l’évacuation de nos mémoires anciennes dont ont dit qu’elles sont contenues dans l’eau.
Le Rein et les glandes surrénales sont associées à l’émotion de la peur et produisent les hormones qui vont nous permettre de réagir au danger ou à l’inverse de nous figer sans possibilité de bouger lorsque nous sommes submergés par l’émotion ou que l’intensité du choc émotionnel nous force à la déconnection, à une « sortie de corps », pour se dissocier psychologiquement de ce que le corps considère comme inacceptable et nous placer en mode « survie ». L’illustration la plus triste de ce mécanisme s’exprime souvent en cas d’agression sexuelle, ce qui a longtemps valu aux victimes d’être considérées responsables ou de se sentir coupables de ne pas avoir réagi.
L’élément Eau nous parle de notre capacité à nous adapter car face à un obstacle, l’eau est capable de le contourner, de le submerger, ou de l’éroder avec le temps.
Enfin la Terre, cet élément rattaché à chaque intersaison et aux méridiens de la Rate et de l’Estomac, exerce un rôle nourricier et de transformation des aliments. La Terre contrôle l’Eau (exemple : image de la digue) quand elle n’est pas en excès, elle est contrôlée par le Bois dont les racines évitent les glissements de terrain. L’Estomac joue également un rôle psycho-digestif puisqu’au-delà des aliments, il entre également dans le processus de digestion des évènements, des émotions.
Je pourrais également parler du Métal et du Feu, mais retenez simplement que tout est lié, relié, et que nous dépendons, comme chaque être vivant de nos interactions avec notre environnement et avec les autres êtres vivants.
Que peuvent vous apporter le Shiatsu et le Do-in
Le Shiatsu vous permet d’entrer en contact avec vos tensions corporelles, de les laisser délivrer leur message et de faire peut-être des liens avec ce qui se passe dans votre vie, pour enfin vous libérer de ses tensions physiques, psychiques et émotionnelles.
Par exemple, dans les cas d’une constipation chronique, il n’est pas rare en Shiatsu de travailler sur le méridien du Gros Intestin qui gouverne le « lâcher prise » et de prendre conscience que notre besoin de contrôle pour diverses raisons (insécurité, confiance en soi, etc.) se manifeste également dans notre processus physiologique d’évacuation.
Do de Do-in signifie ouvrir les canaux et favoriser le mouvement de l’énergie le long d’itinéraires spéciaux (comme les méridiens). In de Do-in signifie bouger et étendre ses membres pour atteindre cet objectif.
Le Do-in est une discipline de prévention de la santé qui vous permet de prendre votre responsabilité en tant qu'acteur de votre santé et de faire circuler harmonieusement l’énergie, le Ki, dans votre corps. Cette pratique allie la respiration à des mouvements, des étirements, des automassages sur les points d’acupuncture, un travail de conscience corporelle et de la relaxation et/ou méditation.
Lao Tseu écrivait « L’homme atteint la santé en retournant à la nature », Shizuto Masunaga, Maître fondateur du Zen Shiatsu écrivait « il est important de développer envers la vie une saine attitude qui se conforme à la nature. »
Ces lectures, au regard de ce qui se passe dans le monde, nous montrent à quel point il est urgent de changer d’attitude pour aller dans le respect du vivant, de soi et des autres, de faire preuve d’adaptabilité, de souplesse et de compassion pour éviter que cela craque et ne s’effondre !
Je terminerais par la citation d’une calligraphie de Maître Tsutomu Ohshima :
« L’harmonie est l’élément le plus précieux de votre vie. »
Prenez soin de vous en recevant des Shiatsu et en pratiquant le Do-in !
Je dédie cet article à mes enseignants de karaté, Astride & Jean-Michel, et à mon enseignante de Shiatsu et de Do-in, Françoise.
François Hinsinger
Praticien de Zen Shiatsu & Animateur Do-in
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